Il y a des jours, comme ça, ou on a l'impression que rien ne va.
Une impression diffuse, mais pourtant bien présente, comme un brouillard froid pénétrant jusqu’aux os alors que le soleil brille.
C’est rageant, ce froid alors qu’on aspire juste au bonheur, que l’on croit mériter. On est déjà loin de la piqûre gentille d’un vent d’hiver qui nous rappelle la douceur de l’air chaud qui remonte sur notre visage lorsque la voiture est chaude, c’est à la fois moins douloureux et plus profond.
Une dépression lente, inexorable qui vient ruiner les fragiles moments de joie que l’on se crée pour seule défense. On se sent comme une maison tout en pierre, rongée par la mer et les vents salés. Toujours debout, mais marquée par la vie et le temps.
De la culpabilité de ne pas prendre des nouvelles de ses proches, à la frustration d’un travail qui apparaît aussi inutile que les efforts que l’on produit pour le rendre intéressant, de la colère que l’on construit contre soi-même aux accès de fureur qui éclaboussent nos proches alors que c’est notre incapacité à se sortir de notre torpeur qui est visée, toutes les raisons de se détester et de renâcler contre la réalité s’enchaînent pour ne former qu’une ligne ininterrompue de désillusions qui en entraînent d’autres.
Et, toujours derrière la bruine, le soleil qui nous nargue, cette image de bonheur que l’on arrive pas à concevoir autrement que floue, l’image pervertie par l’ennui, et soudain, la fuite en avant, le refus du combat et la course contre la vraie vie.
Et un jour, on se fait rattraper par des nouvelles sordides, des enfants malaldes, des guerres et des morts, des souffrances de tout un peuple et des preuves de courage face à l’adversité dont on se demande comment cette fleur d’espoir a pu naître dans un bourbier tel que l’on sait que l’on se serait noyé avant la première seconde.
Alors, égoïste, on contemple son royaume, on le voit verdoyant par endroits et gris à d’autres. On fait des plans, pour la première fois depuis longtemps. Oh, pas des gros plans, non, de petits projets, faciles, qui rendent le sourire autour de nous.
Le gout amer de la pluie froide toujours en fond de bouche, on avance tant bien que mal. ON continue de se détester, mais ce que l’on déteste est devenu cet Autre qui vit en nous et que l’on tente de confiner, Orc gluant, haineux, dévastateur et goinfre qui sortira de temps en temps. Mais l’on a appris à vivre avec et à l’enfermer.
Un jour pour de bon, peut être.