Pour (enfin!) répondre à la question posée par Raspoutine, à savoir : « Ne penses-tu pas que, si le Wankel s'était imposé il y a 30 ans et si les différents fabricants automobiles l'avait fait compétitivement progressé (comme pour les moteurs à pistons) depuis, aujourd’hui son rendement serait du même ordre qu'un bon moteur à piston actuel? »
Je répondrai ce qui suit…
Autant les défenseurs de ce moteur si unique et particulier (dont je fais partie) se plaisent à y croire, autant il est difficile de se prononcer car tout cela ne serait que suppositions, bien évidemment.
Néanmoins, je vais tenter, non pas d’y répondre (je n’en ai pas la prétention), mais simplement de donner mon avis le plus objectivement possible.
Pour ce faire, j’aimerais considérer la chose dans sa globalité historique. Je vais donc essayer de repositionner l’existence (ou plutôt les chances de survie) du Wankel à trois époque différentes. D’abord au début du vingtième siècle, époque de l’essor du moteur à explosion à piston traditionnel, ensuite le milieu des années soixante quand le Wankel s’est fait connaître mondialement et finalement aujourd’hui. La raison pour laquelle je procède de la sorte nous permettra de mieux tirer des conclusions, du moins je l’espère.
Commençons donc par le début du 20ième siècle. A cette époque les idées de concept de moteur rotatif étaient déjà légion mais la technologie et la précision des outils de fabrication ne permettaient tout simplement pas de le réaliser. Le moteur conventionnel et son principe cylindre/piston/segment était de loin plus accessible, maîtrisable et transposable à l’industrialisation. Voilà donc cette première étape écartée, trop en avance sur son temps le rotatif!
Passons maintenant aux années soixante, époque où le Wankel a été industrialisé. A cette époque les techniques de fabrication avaient suffisamment progressé pour permettre le développement et l’industrialisation du moteur Wankel… Mais sans pour autant avoir réglé ses problèmes liés à sa fiabilité et à sa consommation excessive en carburant (et en huile). Néanmoins la présentation du moteur Wankel par NSU fut un coup médiatique sans précédent dans l’histoire automobile, à tel point que tout constructeur qui se respecte y allait de son prototype équipé de ce fameux moteur (NSU et Mazda bien sûr, mais aussi Mercedes, GM et Citroën étaient les plus actifs).
En l’espace de quelques années le moteur Wankel était devenu le moteur du futur ! Il faut cependant relativiser cet engouement car n’oublions pas que nous sommes en plein dans les « Golden Sixties » où rien ne semble impossible (on avait tout de même marché sur la lune !) et l’enthousiasme général était presque de rigueur…
Cependant cet enthousiasme n’a vraiment convaincu qu’un seul constructeur (autre que NSU, le promoteur du concept) à franchir le pas de la commercialisation, on parle bien de Mazda.
L’explication réside dans le fait que c’était le PDG de Mazda lui-même qui, en grand amateur de technologie, s’était passionné pour ce moteur et avait acquis le premier les brevets d’exploitation. Pour lui l’avenir c’était le Wankel et les Mazda devait faire partie des pionniers. Voilà une des raisons pour laquelle Mazda continua à développer et commercialiser le Wankel, ce même après la disparition de NSU (causée par le Wankel). Nous parlons donc ici de convictions personnelles d’un seul homme plutôt que de considérations technico-économiques.
Tous les autres constructeurs, bien que travaillant eux aussi sur le Wankel étaient nettement plus frileux à franchir le pas de la commercialisation. Seul Citroën, autre constructeur connu pour son individualisme technique et stylistique, proposa deux véhicules sur le marché, il s’agissait du quasi-prototype M35 et de la GS bi-rotor.
En fait ce qui sonna le glas du Wankel fut l’amorce de la crise pétrolière du début des années septante (1970 pour les français…). En effet, le monde entier attendait la décision de GM quant quant au lancement de sa gamme à moteur Wankel. Un choix bien difficile que dû faire le PDG de GM, choix basé notamment sur des études montrant que le Wankel consommerait autant ou presque qu’un V8 équivalent et de ce fait ne justifiant pas les investissements inhérents à cette nouvelle technologie. Rappelons aussi qu’à la même époque la dépollution des moteurs battait son plein aux U.S. et réclamait une manne financière conséquente. Mentionnons encore la piètre publicité de la NSU Ro80 due à de gros problèmes de fiabilité (Pour l’anecdote, il se raconte que les conducteurs de Ro80 se faisaient de sympathiques signes de la main lorsqu’ils se croisaient : ils montraient respectivement 1,2, voire 3 doigts pour signaler combien de moteurs avaient été remplacés sur leur voiture…)
Voilà donc comment l’aventure à grande échelle du Wankel fut brisée dans son élan, puisque tous les constructeurs s’alignèrent sur la décision de GM.
Tous sauf Mazda qui continua à se « wankeliser » et ce jusqu’à comptabiliser 80% de sa gamme disponible avec le Wankel. Mais pourquoi me direz-vous ? Principalement pour deux raisons : la première a déjà été évoquée plus haut, en l’occurrence la volonté de son PDG, la seconde découle en fait de la première puisque qu’après avoir consenti des investissements monstrueux pour industrialiser ce moteur, il fallait simplement les amortir… (un peu comme VW et son injecteur pompe !) Malheureusement le mal était fait et le Wankel disparaîtra progressivement de la gamme Mazda et l’intérêt du public aussi. Ce n’est qu’en 1978 que la flamme fut ravivée avec la présentation de la RX-7 première génération , et oui une poignée d’irréductibles continuait à y croire chez Mazda ! Ils ont pu justifier cette technologie pour une voiture sportive car apportant les avantages de rapport compacité / poids / puissance et pouvant supporter une consommation légèrement supérieure. Elle eu un énorme succès aux U.S.
On sait maintenant pourquoi le Wankel n’a pas survécu à son époque. Toute la question est de savoir où il en serait aujourd’hui si cette crise pétrolière n’avait pas frappé au mauvais moment… Bien plus loin que maintenant diront certains mais peut-être pas aussi loin que le moteur classique diront d’autres, qui sait ? C’est sûr qu’ensemble on accomplit plus de choses que seul, d’un autre côté ce qui a vraiment permis l’évolution de l’automobile ces dernières années c’est l’envolée des progrès en électronique et informatique (non seulement point de vue contrôle mais aussi et surtout de l’analyse – cf essor du Diesel qui était si mal contrôlé). Cependant je ne peux m’empêcher de penser aux efforts et à l’ingéniosité appliqués au système de distribution du moteur classique, prenons en exemple la variation de phase en continu des arbres à cames et le contrôle de la levée des soupapes, c’est de la follie ! Le V8 BMW avec Valvetronic, double Vanos et collecteur d’admission à géométrie variable en continu représente à lui seul une débauche de moyens et d’études incroyables ! Alors, est-ce que si l’on avait porté au Wankel la même attention, ne serait-il pas meilleur ? Assurément, mais à quel point, je n’en sait rien…
Finalement je vais terminer par l’hypothèse de notre époque : que se passerait-il si avec les moyens technologiques actuels on démarrait en parallèle le développement des moteurs conventionnels et Wankel ? Je sais c’est un peu fou, mais cela va m’aider à conclure ! Faisons l’hypothèse que nous prenons la crème des chercheurs et experts es-moteurs et que nous enfermions 6 mois dans un endroit isolé pour nous pondre le meilleur moteur pour notre époque… et bien je suis pratiquement sûr que la solution ne serait ni le Wankel, ni le moteur conventionnel… en fait ce ne serait pas un moteur à combustion interne mais un moteur électrique au rendement presque parfait tout simplement ! Ils auraient orienté leurs recherches sur les batteries de sorte à les rendre plus compactes, plus performantes et durables, l’hydrogène diront certains, mais là c’est un autre débat …
Je suis un grand amateur de moteurs à combustion interne mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il est complètement anachronique de continuer aujourd’hui à propulser des véhicules en faisant brûler de l’énergie fossile dans une « cocotte à pression ». Pensez-y, vu les moyens technologiques c’est débile non ? Mais on oublie un paramètre important : le lobbying des pétroliers sur les gouvernements.
Bon alors, arrêtons de nous plaindre et de nous chamailler pour savoir si le Wankel aurait pu être l’égal de l’autre ou non, à quoi bon ils n’ont ni l’un ni l’autre de l’avenir… alors profitons-en tant qu’ils sont là !
Bien amicalement.
Antonio.